Ce jour là, il y a quelques mois, je voulais juste tenter de photographier un renard que j'avais aperçu dans une prairie auparavant. Je me suis levé à 4 heures du matin pour être en place , en affût, avant le lever du jour.
Il fait encore quasiment nuit, le ciel commence juste à tirer du noir au bleu sombre, mais la lune éclaire bien. Sur ma gauche je vois un chevreuil entrer dans la prairie et commencer à brouter. Alors que je suis en train de me demander si je prends le risque de tourner l'appareil photo dans sa direction, il lève soudain la tête, regardant la lisière face à moi, et s'en va précipitamment. Je regarde alors ce qui l'a fait partir : face à moi, à une vingtaine de mètres, deux louveteaux ! A aucun moment je ne me suis posé la question, même avec l'obscurité, c’était une évidence. Leur masque labial tranche dans l'obscurité. Ils sont debout, tranquilles, regarde à droite, à gauche. Je n'ose pas bouger de peur de les effrayer et de briser ce moment, mais je commence à me dire que j'aimerai en garder une trace même de mauvaise qualité. Impossible de prendre des photos, il fait trop sombre. Je me décide à mettre l'appareil en mode vidéo, mais même là l'autofocus rame, il fait vraiment trop sombre. Il faudrait passer en mode manuel, mais je crains que le moindre mouvement ne les fasse fuir. C'est alors qu'ils se décident à avancer encore, trottinant dans ma direction pour s’arrêter à 7 ou 8 mètres de moi. Ils hument l'air, l'un des deux fait un petit bond en arrière, j'imagine qu'il, ou elle, m'a senti. Je n'ai pas tourné l'appareil photo vers eux de peur de trop bouger, alors j'en profite pleinement pour les observer directement, sûrement le meilleur moment de cette rencontre : je suis en train d'observer des loups à quelques mètres .
Après quelques secondes ils repartent tranquillement vers le fond de la prairie pour disparaître derrière un petit bosquet d'arbres. C'est seulement à ce moment que je réalise ce qui vient de m'arriver. Mais j'ai à peine le temps d'y penser vraiment, que des bruits retentissent derrières les arbres, des grognements, des glapissements, comme si les jeunes se battaient. Ils sont toujours là. Au bout de 5 minutes, ils sortent sur la gauche, et je m'aperçois qu'il y en a deux autres. Quatre louveteaux ! L'ambiance entre eux plutôt tendue, les jeux commencent déjà à déterminer les positions de dominant dominé. L'un a la queue entre les jambes, l'autre la queue recourbée au dessus du dos et se tient très droit. Les quatre semblent attendre, sûrement les parents, et le repas. Le jour se lève et il y a un peu plus de lumière alors je filme à nouveau un petit peu en essayant de ne pas faire de mouvements brusques. Au bout de quelques minutes, trois d'entre eux rentrent dans les fourrés et disparaissent. Le quatrième, une louve je pense, s'assoit, et attend un moment, regardant à droite , à gauche, parfois droit vers moi, me donnant l'impression de me regarder droit dans les yeux, avant de disparaître à son tour dans les bois.
Je vais alors attendre encore plus d'une heure, que le soleil arrive et qu'il n'y ait plus aucun signe de présence pour m'en aller discrètement. Je sais que je n'oublierai jamais ce que je viens de vivre, un de mes plus grand rêves. Non seulement j'ai pu observer des loups, mais ça a pu se faire de longues minutes, sans dérangement. J'ai eu la chance de me trouver sur ce qu'on appelle le lieu de rendez -vous : ce lieu où, après avoir quitté la tanière, les jeunes loups attendent les parents quand ils partent chasser.
J'ai pu revoir les quatre louveteaux au même endroit une semaine après, toujours en affût. Ça n'a duré que quelques minutes, mais le jour s’était déjà levé, la lumière était meilleure et j'ai alors pu faire quelques photos. Par deux fois également je les ai entendu jouer, sans les voir. Après ça, les battues au sanglier ont commencé et ils se sont fait très discrets. Je n'ai par contre jamais vu les parents, beaucoup plus discrets que les louveteaux, mais je les ai eu récemment au piège photo.
Après deux mois, je repense chaque jours à cette rencontre, je me demande ce qu'ils deviennent, s'ils survivent dans ce monde devenu si compliqué pour la faune sauvage et plus encore pour le loup...
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